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Société

Burkina Faso: Blaise Campaoré, un retour au pays à double tranchant !

L’ancien président burkinabè Blaise Campaoré renversé par la révolution populaire de 2014, effectuera un bref retour dans son pays natal après 8 ans d’exil en Côte d’Ivoire où il a obtenu gite et asile grâce à la bienveillance de son ami et frère, Alassane Dramane Ouattara, le président de la Côte d’Ivoire. Mais ce retour annoncé et marqué du sceau de la réconciliation nationale risque de rouvrir des plaies non encore cicatrisées, même si elle peut être utile aussi dans le cadre de la gestion de la chose sécuritaire. Tout est parti d’un tweet du correspondant de Rfi à Bamako, Serge Daniel qui avait annoncé tard dans la nuit et sur la base de ses sources proches du palais de Kosyam, que l’ancien président renversé effectuera un retour au pays pour quelques jours. L’information a par la suite été confirmée par France 24, qui a même fixé la date du 8 juillet pour ce déplacement. En 2021 déjà, Blaise Compaoré avait adressé une lettre au président Roch Marc Christian Kaboré pour décliner les éléments de sa contribution à la décrispation politique et sécuritaire dans son pays. Une correspondance bien médiatisée d’ailleurs par les médias d’Etat burkinabè à l’époque. Ce retour est donc loin d’être une surprise, quand on connait déjà le niveau de détérioration de la situation sécuritaire dans le pays et ce depuis le régime de Roch Marc Christian Kaboré. Cela avait fait naître des sentiments de mobilisation et de solidarité en mettant en avant la nécessité d’effectuer une réconciliation nationale afin de solliciter la contribution de tous les Burkinabè pour permettre de mieux intégrer et gérer plus efficacement la question sécuritaire, qui se dégrade de jour en jour. Le premier pas de ce processus de réconciliation a été l’audience accordée par le président du Faso Paul-Henri Sandaogo Damiba aux anciens présidents Roch Marc Christian Kaboré et Jean-Baptiste Ouedraogo. Dès lors, de nombreux observateurs avaient décelé des signes d’une certaine décrispation générale qui pouvait aboutir au retour de Blaise Campaoré souhaité par ses partisans notamment son parti le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). C’est donc chose faite. La chose étant actée, place aux interrogations que suscite un tel retour qui continue de diviser la population burkinabè. Du côté des nostalgiques de la période révolutionnaire de Thomas Sankara, on ne voit pas forcément d’un bon œil un tel retour. Les plaies sont trop béantes et non cicatrisées et les rancœurs tout aussi fortes pour accepter de gaieté de cœur le retour de l’ancien président et «dictateur» à leurs yeux, accusé d’avoir fait assassiner son frère et ami Thomas Sankara, en 1987. La condamnation de Blaise Compaoré par contumace à la prison à vie, rappelle aussi à juste titre que les comptes sont loin d’avoir été soldés pour cette période sombre de l’histoire du Burkina Faso. La question est du reste de savoir si une amnistie a déjà été signée en sa faveur par les autorités actuelles pour assurer un retour sans grabuges de l’ancien président ? Des manifestations seront-elles organisées pour protester contre le retour de Blaise Compaoré ? La mouvance panafricaniste si chère à Thomas Sanakara fera certainement parler d’elle à la faveur de ce retour. Il reste que l’arrivée de Blaise Compaoré au Burkina peut être utile dans le règlement de la crise sécuritaire, ou tout au moins une partie de celle-ci. En effet, les liaisons dangereuses soupçonnées entre le régime de Blaise et les responsables d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) sont un secret de polichinelle dans certains milieux sociopolitiques au pays des hommes intègres. Sous sa présidence, de nombreux chefs terroristes avaient élu résidence à Ouaga 2000 sous les bonnes grâces du régime. Ces relations «amicales» avaient permis de dénouer de nombreuses questions d’otages occidentaux pris par les terroristes, qui ont payé des rançons par le biais du tristement célèbre général Gilbert Dienderé, l’âme damnée de Blaise Campaoré. Certains analystes estiment du reste que la décision du président Roch de ne plus offrir le gite à ces responsables terroristes à Ouaga, constitue la raison principale des attaques violentes dont a été victime la capitale à partir de 2016. Ces bons rapports (certains parlent de complicité) entre le régime de Blaise et les responsables d’Al-Qaida peuvent probablement être utiles dans le cadre d’un processus de dialogue avec les groupes armés que les autorités actuelles n’ont jamais refusé. Sauf qu’aujourd’hui, Al-Qaida n’est pas le seul belligérant terroriste auquel font face les autorités actuelles de la transition. L’Etat islamique au grand Sahara (Eigs) a depuis fait du chemin dans le pays élargissant sans cesse les limites de la barbarie. L’éventuelle paix avec Al Qaida ne signifiera donc pas la fin du terrorisme, loin s’en faut. La radicalité de l’EIGS et son intransigeance par rapport à l’instauration d’un califat islamique au Sahel, risque de ne favoriser qu’un règlement à minima de la crise sécuritaire, qui frappe le pays .

G. A

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