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Sankara et Lumumba: Enfin le deuil des révolutions africaines?

L’histoire de l’Afrique est marquée par une catégorie de leaders dont la trajectoire atypique a fait d’eux des révolutionnaires. En effet, leur discours était en porte à faux avec la «pensée unique», qui avait cours à l’époque de la domination coloniale et postcoloniale. C’est ainsi que plusieurs figures de ce qu’on peut qualifier de nos jours de révolutionnaires à l’opposé des comportements de la majorité des leaders de cette époque dont la ligne de conduite a consisté à faire allégeance aux colonisateurs. Parmi ces derniers, Thomas Sankara et Patrice Lumumba continuent de marquer les esprits de plusieurs générations au point d’être considérés de nos jours comme des modèles de refus de la domination des pays-tuteurs sur les pays du Sud en quête de liberté et de dignité. C’est donc pour apaiser la tension qu’une dent couronnée d’or de Patrice Lumumba est «rapatriée» au Congo afin de pouvoir « compenser » toutes les humiliations subies par les Congolais et de permettre à leur héros de bénéficier de funérailles dignes de ce nom. Pourtant, le retour d’une dent au bercail ne suffit pas à panser les plaies béantes dues aux atrocités des colons surtout lorsqu’il est accompagné d’un «pardon timide». De l’autre côté, au Burkina Faso on assiste à un procès qui a trait à l’assassinat de Thomas Sankara, figure de proue de la révolution burkinabè. Ce procès interminable tend à lasser bon nombre d’observateurs au point de craindre une parodie de justice. Est-ce la fin d’une époque marquée par l’émergence d’une élite dont les idées sont aux antipodes de la pensée dominante ? Nous sommes obligés de constater que face à la montée des pensées naissantes qui prônent une prise en main du destin des Africains par eux-mêmes que l’histoire peut se reproduire. En effet, la prise de conscience de bon nombre de jeunes africains quant à la gouvernance mondiale finit par faire naître chez beaucoup d’entre eux des sentiments proches de ceux prônés par leurs leaders dont on a pensé à tort que leur disparition allait définitivement enterrer ce passé héroïque. Ce regain de panafricanisme doit se soustraire de la rêverie des masses et se matérialiser par des actions concrètes autour d’une stratégie bien réfléchies. En effet, l’époque des discours qui ne sont pas suivis d’actions concrètes est révolue. Les jeunes générations africaines doivent certes s’inspirer de ces leaders qui ont tracé les chemins de la liberté et de la dignité de l’homme noir sans s’enliser dans l’inertie qui a toujours fait le lit des «prédateurs» aux aguets de nos richesses. Ces deux figures de la révolution africaine ont un point en commun : la prise en main du destin de l’homme noir par lui-même et la ferme volonté de s’affirmer à l’échelle internationale par la valorisation de son patrimoine culturel. Ils ont donc contre vents et marées lutté afin que l’homme noir ait confiance en lui, au lieu de paraître sur la scène internationale comme un «damné de la terre», selon l’expression de Franc Fanon. Malgré leur noble combat pour la liberté de leur peuple et par extension de toute l’Afrique, ils se sont faits écarté de la scène de façon tragique avec malheureusement la bénédiction de certains de leurs proches. Cette attitude considérée par les Africains épris de justice et de liberté a fini par faire douter même les plus téméraires d’entre eux au point de reléguer au rang d’utopie toute idée, qui s’apparenterait à celles de ces icônes. Et pourtant, le combat pour la justice a connu depuis près d’une décennie un renfort de la société civile africaine qui a pris d’assaut les réseaux sociaux pour ressusciter les idéaux de leurs devanciers en leur donnant une tournure quelque fois plus acerbe. C’est dans ce contexte international caractérisé par l’éveil des consciences que certains pays jadis responsables de multiples travers caractéristiques de leur système colonial commencent à revoir leur copie, en décidant d’initier des actes de réparation voire de pardon .

Aboubacar SOUMAÏLA

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