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Jeunes nigériens et exode en Côte d’Ivoire: La déchéance des «Aboki» au pays des géants éléphants

L’adaptation est un principe fondamental au cœur du développement et du maintien de tout organisme et de toute activité. Ce principe est aussi utilisé par des courants spirituels sous le terme de «loi de mouvement» qui exige que pour maintenir un niveau de performance donné, il faut continuer à s’améliorer d’où le dicton «qui n’avance pas recule». Un regard jeté sur les activités de ce qu’on nomme affectueusement en Côte d’ivoire les «Aboki», c’est à dire les commerçants nigériens qui s’adonnent généralement à la vente du café au lait et de l’atiéké communément appelé «garba» nous a révélé que ces derniers ont été frappés par leur incapacité à s’adapter aux changements qui ont eu cours durant des décennies dans le monde des affaires en Côte d’Ivoire. En effet, jadis ces deux secteurs étaient considérés comme le monopole des Nigériens qui transmettaient ce savoir-faire à leurs progénitures qui reproduisaient les mêmes méthodes de commerce et de marketing. Les héritiers représentaient parfaitement la «reproduction sociale» de ce secteur selon l’expression de Bourdieu sans toutefois chercher à viser l’excellence par une amélioration continue du système hérité des aînés. C’est ainsi qu’autour des années 2000, la crise économique va secouer la jeunesse ivoirienne qui croupit dans une paupérisation grandissante suscitant une prise de conscience de ces jeunes au point de s’intéresser aux métiers et commerces jadis dépréciés par bon nombre d’Ivoiriens. Ces derniers vont donc chercher à s’accaparer ces commerces motivés en amont par les nouvelles autorités ivoiriennes mais contrairement aux Aboki tombés dans la léthargie, ils vont mettre l’accent sur la propreté des lieux, l’hygiène et un marketing plus offensif. Du coup, l’incapacité des Aboki à s’aligner à la nouvelle donne va leur faire perdre une part importante du marché et les abandonner à leur perception du commerce resté «moyenâgeux». Outre les faits énumérés, il est nécessaire de dégager de cette réalité le paradigme incrusté dans la mentalité de ces Nigériens à entretenir un tel résultat malgré les changements frappants de l’environnement économique et social de la Côte d’Ivoire. En premier lieu, l’idée toujours néfaste entretenue dans cette communauté qui refuse de scolariser leurs enfants, préférant les abandonner à eux-mêmes face à un monde dont les réalités sont devenues plus cruelles pour les non-scolarisés. La relève ne peut donc appréhender la vie qu’à travers les prismes d’un paradigme source de régression. Deuxièmement, la fatalité corollaire erronée d’une conception de l’islam qui «tétanise» toute amélioration visant à être plus compétitif sur le marché. Pour preuve, d’autres communautés notamment burkinabè et guinéennes ont su s’adapter en utilisant le puissant levier de développement qu’est l’éducation moderne scolaire. Ces derniers contrairement aux Nigériens ont pu faire fleurir leurs activités, en s’adaptant à la concurrence. En somme, on ne conquiert pas le monde en se recroquevillant sur soi-même, en refusant de s’adapter aux changements qui y ont cours. Ce déni de la réalité a été fatal pour bon nombre de ces «Aboki» en perte de vitesse. Malheureusement, ils persistent à voir les causes de leur déchéance ailleurs mais jamais en eux-mêmes. Nous exhortons les autorités à une sensibilisation autour de ces questions de marketing afin que les compatriotes se ressaisissent avant que les assauts de la concurrence n’engloutissent définitivement leurs activités .

Aboubacar SOUMAÏLA

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